Redevenir petit. Voilà ce à quoi devra
se préparer mon fils en vue de l’an prochain. Cette année, il est le plus grand
de son école. Raph est un finissant du primaire. Dieu que le temps passe
vite. En 6ème année, on peut un peu se la jouer et user d’un
tantinet d’arrogance pour impressionner les plus jeunes. Bien que ce soit
chien, c’est légal. Et sain. Qui n’a jamais fait les fanfarons dans son
enfance, histoire de se donner de la confiance et de la crédibilité. C’est
peut-être une manière inconscience d’oublier, qu’avant longtemps, on ne pourra
plus se prendre pour un autre. À la grande école, on prend une débarque dans la
hiérarchie.
Même chose quand on est en recherche d’emploi.
On redevient petit, il me semble. Et, quand on se fait demander sur un ton quasi
méprisant si on a fait une demande d’aide-sociale, on se sent tout petit, tout
petit. Bon, j’exagère certainement pour le mépris, mais dans ma tête, ça eu l’effet
d’un marteau piqueur. Je me suis d’ailleurs empressée de rétorquer qu’il ne s’agissait
que d’une question de semaines, voire de jours avant que je ne trouve un
emploi. Mais, si ce n’était pas le cas. Et s’il était encore loin le jour où je
décrocherai un job ? Je me sens comme un tit-cul qui entre au secondaire.
Pendant
longtemps, j’ai joué dans la cour des grands. La récréation a duré 16 ans. J’ai d’abord
eu un travail qui fascinait ben du monde : « Ha ouais, tu travailles
à la radio, ça doit être cool ça ?! ». Dans ce temps-là, j’aurais pu faire
comme les plus vieux du primaire et en mettre plein la vue aux gens qui m’enviaient.
Entre nous, j’avoue qu’il m’est arrivée de le faire, surtout à mes débuts :
qui ne se venterait pas d’avoir pris l’ascenseur avec Charles Aznavour ou de se
refaire une beauté devant le même miroir que Mitsou ? Mais, ça a fini par me passer et j’ai commencé à trouver ces choses-là
normales. Ça y est, juste de penser comme ça, ça me paraît prétentieux : « Ha,
vous comprenez, j’en ai eu marre de croiser des vedettes à cœur de jour »,
dit-elle en envoyant son écharpe derrière son épaule.
En réalité, un jour j’ai eu envie de me déstabiliser. J’ai osé sortir de ma zone de confort de 14 années pour changer d’air. Ma galère a durée deux ans. Ensuite, il y a eu la merveilleuse arrivée de bébé puis maintenant, plus rien. Mon congé de maternité est terminé et mon statut enviable envolé. Retour à la case zéro, comme on dit.
En réalité, un jour j’ai eu envie de me déstabiliser. J’ai osé sortir de ma zone de confort de 14 années pour changer d’air. Ma galère a durée deux ans. Ensuite, il y a eu la merveilleuse arrivée de bébé puis maintenant, plus rien. Mon congé de maternité est terminé et mon statut enviable envolé. Retour à la case zéro, comme on dit.
J’ai le sentiment que ces jours-ci, c’est
dans l’air. Après Mademoiselle divague et son baise-en-ville et Geneviève Pettersen
et son syndrome de l’imposteur, voilà que c’est à mon tour de manquer
cruellement de confiance en moi. Il faut dire qu’ à force d’encaisser les refus,
on perd ses repères et on désespère. Je dois tout de même me ressaisir : je
n’ai pas passé des centaines d’entrevues et il y a des plans qui se dessinent.
Ce n’est qu’une question de temps. Pourtant, plus il avance celui-là, plus je
recule. Je veux dire, j’hésite, comme pour ce projet de roman qui est en train
de s’effriter tranquillement.
En situation précaire, la vulnérabilité
s’en donne à cœur joie. Tout le monde croit en ton talent, sauf toi. Alors, t’as
besoin de te faire un ami petit comme toi pour ne pas te laisser intimider par
les plus grands. Certes, des amis, j’en ai. Mais, dans la même condition que
moi, pas présentement. Et, parce que je les aime, des amis comme moi, je n’en
veux pas en ce moment.
Profite de ta dernière année de grand,
fiston. C’est tough de redevenir petit. Par contre, sache qu’on finit toujours
par redevenir grand. C’est ta petite maman qui te le dit.