- Maman, jai
quelque chose à te demander.
Habituellement, quand fiston introduit une demande de cette façon,
ça sent la demande de privilège.
- Est-ce que tu
me trouves fatigant?
Me voilà pantoise.
- Euh, non pourquoi?
- Parce que des fois, on
dirait que oui!
Ça fait trois jours que le mot résonne dans
ma tête : Fatigant, fatigant, fatigant. Avec de l’écho en plus. Pour vous
dire.
C’est vrai, souvent j’ai l’air excédée. Pas
par mon fils. Par son comportement. Il y a une nuance ici. Mais, comment faire
comprendre cette subtilité à un gamin de neuf ans? Même moi, en tant qu’adulte,
j’arrive difficilement à ne pas remettre tout mon être en question lorsqu’on
m’adresse un repproche sur mon attitude. Dans ma tête, ça donne souvent : « Ben
c’est ça, je suis juste bonne à rien! ». Le drame quoi! Et, pourtant, si
je ne me laissais pas dominer par mes émotions, je capterais le bon
message : Nancy, tu dois ajuster ton comportement. Point. Ben non, au lieu
de ça je me sens juste bonne pour la poubelle! Susceptibilité quand tu nous
tiens!
Reste que je ne suis pas plus avancée.
Pourtant, j’ai pris la peine d’expliquer calmement à Raph qu’il doit apprendre
à se calmer. Mais, quand je dois intervenir après un, deux, trois
avertissements, je deviens moins calme. Suis-je le seul parent au monde qui, après
avoir répété cent fois, a du mal à user de son autorité sans laisser courir un certain
rictus sur son visage? Il me semble que l’un ne va pas sans l’autre. Ça
manquerait de crédibilité d’imposer les règles d’un air ravi, non?
Alors, oui, j’emploie mon ton exaspéré et
je sors ma face lette quand vient le temps d’intervenir. Et, comme je dois le
faire régulièrement, j’ai l’air plus souvent qu’à mon tour à boutte. Résultat,
Raph croit que je le trouve fatigant. C’est un sentiment déplaisant, mais
nécessaire.
Être un parent est un grand paradoxe selon
lequel l’amour et la discipline s’allient et s’aliènent étrangement. Selon leur
point de vue, on semble insensible quand on corrige nos enfants afin qu’ils
deviennent de bonnes personnes. Pourtant, on veut qu’ils deviennent de bonnes
personnes parce qu’on les aime à la folie. Tant qu’ils ne savent pas que nous
faisons ça pour leur bien, on est un peu pogné avec l’étiquette de la face
lette…
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